La curiethérapie

La radiothérapie externe c’est la modalité plus fréquente d’irradiation des cancers. Cette irradiation est délivrée depuis l’extérieur vers l’intérieur du patient à l’aide d’un accélérateur linéaire (sur la tumeur et/ou aires ganglionnaires). Au contraire, la curiethérapie est délivrée à l’intérieure du patient, soit dans la tumeur soit en contact intime avec la cellule tumorale. Selon la pathologie et topographie lésionnelle, la curiethérapie est délivrée avec un projecteur de source (la radioactivité reste pendant quelques minutes dans la tumeur) ou avec la mise en place des petits « grains radioactifs » qui vont agir dans la tumeur pendant un certain temps.

L’avantage de la curiethérapie c’est la possibilité de pouvoir escaler la dose a la tumeur en épargnant au maximum de possible la dose aux organes de voisinage, cela permet d’augmenter la fenêtre thérapeutique (risques et bénéfices) de l’irradiation.

Il existe trois types de curiethérapie :

  • Bas débit de dose (BDD) : mise en place des grains radioactives dans la tumeur avec une radioactivité qui décroit pendant quelques semaines/mois.
  • Débit de dose pulsé (PDR): la dose est délivrée sous la forme des pulses à chaque heure pendant quelques minutes, 24 h sur 24 (hospitalisation en zone protégée requis).
  • Haut débit de dose (HDD) : mise en place d’un applicateur et/ou cathéters qui sont branchés à un projecteur de source pendant quelques minutes. Il s’agit d’un traitement journalier ou hebdomadaires avec la possibilité de lui réaliser en hospitalisation ou en ambulatoire selon la pathologie à traiter.

L’IPC compte avec les modalités à bas débit de dose (BDD) et haut débit de dose (HDD). Les pathologies plus fréquemment traitées sont les cancers gynécologiques, digestifs, urologiques, ORL, mais aussi les cancers dermatologiques, du sein et les sarcomes.

CANCERS GYNéCOLOGIQUES

cancer du col utérin

  • Stade précoce

Il existe deux types de traitements selon le stade de la maladie. Pour le cancer du col de l’utérus à stade précoce, la curiethérapie utérovaginale précédée d’une stadification ganglionnaire et suivie d’une prise en charge chirurgicale, apporte des résultats cliniques très satisfaisants de contrôle local. L’intérêt de cette modalité de curiethérapie est la diminution des facteurs de mauvais pronostiques initiaux (downstaging) qui sert à éviter un traitement adjuvant (post chirurgical) souvent difficile à tolérer (Gauci et al 2022 ; Varela Cagetti et al 2021).

  • Stade localement avancé 

le standard thérapeutique pour les cancers du col de l’utérus localement avancés est la radiochimiothérapie concomitante (5 semaines de traitement), suivie d’une curiethérapie utérovaginale. Il s’agit d’un élément essentiel dans la prise en charge, la curiethérapie sert à escaler la dose au niveau de la tumeur pour augmenter le contrôle local de maladie en épargnant les organes voisins (Pötter et al 2021 ; Cibula et al 2023).  

Cancers de l’endomètre

  • Souvent diagnostiqués au stade précoce, une prise en charge chirurgicale première est indispensable. Selon le risque de maladie, une curiethérapie du fond vaginal peut-être indiquée. Cela sert à diminuer le risque de récidive locale sur cicatrice d’hystérectomie. Il s’agit d’un traitement hebdomadaire et ambulatoire. (Creutzberg et al 2000)
  • Pour les maladies à risque plus élevé de récidive locorégionale ou à distance, après prise en charge chirurgicale, une radiochimiothérapie concomitante est nécessaire, souvent suivie d’une curiethérapie du fond vaginal. (REF ESMO)

Cancer du vagin et de la vulve 

  • Il s’agit de maladies plus rares que les cancers du col utérin et de l’endomètre, une prise en charge chirurgicale première est envisagée. Selon les facteurs pronostiques de maladie, une radiothérapie ou radiochimiothérapie concomitante est indiquée plus ou moins en curiethérapie. (ESMO Guideline)

CANCER du sein

Premier traitement conservateur

  • Selon le sous type histologique et leur stade, le cancer du sein est souvent traité par chirurgie (tumorectomie) et stadification ganglionnaire (ganglion sentinelle). Dans le cadre d’un traitement conservateur, une irradiation mammaire homolatérale est souvent indiquée : cela peut comporter toute la glande mammaire ou pour des cas très sélectionnés, une irradiation partielle peut être envisagée en peropératoire ou en post-opératoire.
  • L’irradiation partielle accélèrée du Sein (APBI) en comparaison avec l’irradiation mammaire totale, représente aujourd’hui une attractive stratégie d’irradiation dû à la diminution de la dose aux organes à risque (poumon, cœur, sein, peau) et à la diminution de la durée totale de traitement (4- 6 semaines contre 1-5 jours).

Cette technique de curiethérapie est considérée aujourd’hui de niveau de preuve I (GEC-ESTRO. Strnad et al. 2015).

Le choix de la curiethérapie interstitielle est basé sur les résultats cliniques à long terme, sa précision, polyvalence et les excellents résultats cosmétiques.

Deuxième traitement conservateur

    Après la première prise en charge et traitement adjuvant correspondant, le risque de récidive locale sur le même sein irradié est entre 10-20% à 10-15 ans (REF). Le standard thérapeutique est basé sur la mastectomie totale. Une alternative à ce traitement radical est le « deuxième traitement conservateur » : nouvelle tumorectomie +/- geste ganglionnaire associé à une curiethérapie sur lit tumoral, cette modalité a les mêmes résultats de contrôle locale de maladie avec le bénéfice de la conservation d’organe et un excellent résultat esthétique dans les 85% des cas (Hannoun-Levi et al. 2013).

    CANCER DE LA PROSTATE

    A l’heure actuelle, l’IPC dispose de deux modalités de traitement :

    • Bas débit de dose (BDD) : mise en place des grains radioactifs d’Iode 125 dans la prostate avec une décroissance de dose pendant 59.4 jours. Cette technique est surtout indiquée pour les tumeurs prostatiques localisées (faible risque de rechute). Il s’agit d’une alternative à la prostatectomie radicale et à la radiothérapie externe. Selon le pronostique de la maladie, la curiethérapie à BDD peut être envisagée à titre exclusive ou comme surimpression après radiothérapie externe.
    • Haut débit de dose (HDD) :  consiste à l’implantation des vecteurs dans la prostate. Les vecteurs sont connectés à un projecteur de source qui envoie une irradiation pendant 10 minutes dans la prostate, les vecteurs sont ensuite retirés. Cette modalité est surtout envisagée en combinaison avec la radiothérapie externe à mode de surimpression ou « boost » (patients avec cancer prostatique à risque intermédiaire ou à haut risque de récidive) (Chan Kee et al. 2018). Le traitement exclusif (ou monothérapie) avec l’HDD est en cours d’exploration.

    Pour le récidives intraprostatiques isolés après radiothérapie externe premier, une curiethérapie de rattrapage peut être envisagé chez les patients hautement sélectionnés, irradiation avec la modalité BDD ou HDD.

    CANCERS DIGESTIFS

    Cancer du canal anal

    Le cancer du canal anal est une maladie de faible incidence, cela représente le 2% des cancers digestifs, par contre, une fréquence plus importante est constatée les dernières années aux dépends de l’infection au virus du papillome humain (HPV), facteur de risque responsable de 1500 nouveaux cas /an en France et plus de 6.000 en Europe (Shield et al. 2017 ; Hartwig et al. 2017). Le carcinome épidermoïde est l’histologie plus fréquente, elle est caractérisée par une radiosensibilité et une chimiosensibilité élevées.

    Depuis 1974, l’objectif du traitement de ce cancer, est la préservation sphinctérienne (anatomique et fonctionnelle) (Nigro et al). Souvent un traitement par radiothérapie externe (RTE) plus au moins associé à une chimiothérapie concomitante est indiqué (ESMO. 2021). Une surimpression de dose de radiothérapie est souvent nécessaire (boost), cela peut-être envisagé soit par RTE soit par curiethérapie.

    Dans l’esprit actuelle de désescalade des traitements, notamment des effets indésirables chroniques, la curiethérapie interstitielle du canal anal a l’avantage de mieux épargner le sphincter sain controlatéral (ou non tumoral) en limitant la toxicité cutanée et digestive chronique lié à l’irradiation toujours en respectant les organes de voisinage (publications IPC canal anal).

    ORL

    La curiethérapie ORL

    Pour le carcinome de la lèvre, un traitement à visée exclusif et curatif est indiqué pour les tumeurs T1-T2, N0 (≤2cm). Pour les tumeurs localement avancées, la curiethérapie peut-être indiquée comme complément de dose à la radiothérapie ou radiochimiothérapie première. Cette technique à démontre son efficacité sur le contrôle locale de maladie (95% et 94% de guérison à 5 ans pour le stades T1-T2, N0) (Guinot et el 2013). Même si la chirurgie est considéré comme les traitements standards, la curiethérapie peut-être proposée aux patients non-opérables, ou patients avec localisation tumorale dans une zone fonctionnelle et cosmétique à risque (recommandations GEC-ESTRO 2017).

    En parallèle, cette technique a démontrée aussi d’excellents résultats esthétiques et fonctionnels (92%;99%) (Guibert el at. 2011). Un autre avantage c’est que la modalité moderne de traitement avec haut-débit- de dose (HDD) disponible à l’IPC, évite des complications chroniques lourdes en comparaison avec l’ancienne technique à bas-débit de dose (BDD).

    Pour les tumeurs de la langue, plancher bucal et la joue, la curiethérapie est une autre indication de curiethérapie des cancers ORL.  La curiethérapie à HDD de la mucosa orale est surtout proposée aux patients non opérables avec un contrôle local à 5 ans de 94%, tandis que la curiethérapie de la langue mobile est surtout proposée en postopératoire a vissé de barrage (recommandations GEC-ESTRO 2017)..

    Dermatologie

    La curiethérapie des cancers de la peau (mélanomes exclus) :

    La curiethérapie des cancers cutanés (carcinome basocellulaire, carcinome épidermoïde), est surtout indiquée pour les tumeurs de stade précoce (T1-T2 N0) de la face, mais aussi pour les tumeurs localement avancées en complément de la radiothérapie externe. A noter, cette technique a démontrée d’excellents résultats de contrôle local et cosmétiques et compris dans les régions périorificielles car elle s’adapte à toutes les dimensions et surfaces (Ducassou et al. 2011). Il s’agit d’une technique élégante qui représente une alternative aux chirurgies mutilantes chez des patients bien sélectionnés (Guinot et al 2018).

    Cicatrice cheloïde 

    La curiethérapie des cicatrices cheloïdes est souvent indiquée aux cas de résistance aux thérapeutiques habituelles (exérèse chirurgicale/compression/corticothérapie) (Van Leeuwen et al 2014). Il s’agit d’un traitement efficace, elle permet une amélioration de la symptomatologie fonctionnelle et surtout une absence de récidive dans plus de 80 % à 94% patients traités avec cette modalité (Escarmant et al. 1993 et Jiang et al. 2016). A noter, la curiethérapie doit être délivrée le plus rapidement possible après exérèse chirurgicale (association chirurgie – curiethérapie peropératoire) pour limiter la prolifération fibroblastique (Rio et al. 2010).