Depuis 20 ans l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) n’a eu de cesse de développer les innovations technologiques et organisationnelles en chirurgie oncologique, aboutissant aujourd’hui à une chirurgie oncologique que l’on pourrait qualifier d’holistique, destinée à tous les patients nécessitant un geste chirurgical pour la prise en charge d’un cancer.

La chirurgie holistique est une approche globale, personnalisée, centrée sur le patient, qui ne s’intéresse pas qu’à l’étape chirurgicale mais qui concerne l’ensemble du parcours de soins intégrant la phase de diagnostic, de traitement, de suivi et l’ensemble des soins de support pouvant être proposés au patient.

La chirurgie holistique à l’IPC, est le résultat de 20 ans de travail.

La première étape a été le développement, depuis 2005, des techniques chirurgicales mini invasives, d’abord conventionnelles (coelioscopie), avec un tournant majeur en 2007 : l’arrivée de l’assistance robotisée.

Au début, il y a eu la chirurgie robotique. Tant médiatisée aujourd’hui, elle est arrivée à l’IPC en 2007 (robot chirurgical Da Vinci SI), faisant de notre centre, le premier centre de lutte contre le cancer (CLCC) équipé en France. L’expérience acquise depuis, par nos équipes, dans toutes les spécialités chirurgicales _ au premier rang desquelles l’urologie, mais aussi la chirurgie digestive et la chirurgie gynécologique est reconnue internationalement.

L’assistance robotisée a permis de développer les indications de chirurgie mini invasive dont nous avons structuré le développement et les indications à travers le Département d’Interventions Mini Invasives (DIMI) créé en 2013. L’objectif du DIMI était d’optimiser l’utilisation du robot et des différentes voies d’abord chirurgicales mini invasives pour proposer aux patients les gestes les plus adaptés à leurs pathologies et les moins à risque de complications.

Aux techniques chirurgicales mini invasives ce sont associées toutes les procédures endoscopiques et de radiologie interventionnelle, permettant d’élargir encore les indications de gestes moins invasifs, diagnostiques ou thérapeutiques.

En 2025, grâce à l’expérience de nos équipes, environ 80% des cancers traités chirurgicalement à l’IPC, sont pris en charge de manière mini invasive. La chirurgie ouverte, ou laparotomie, gardant bien sûr toute sa place dans l’arsenal thérapeutique.

Au-delà de ces préoccupations « techniques », l’année 2015 a représenté un tournant dans notre organisation. En effet, les équipes du DIMI ont intégré dans leurs pratiques les programmes de Réhabilitation Améliorée en Chirurgie (RAC). Cette prise en charge médico chirurgicale péri opératoire permet d’optimiser le parcours de soins du patient chirurgical avec pour conséquences une diminution du risque de complications et une diminution des durées d’hospitalisation. Des mesures spécifiques sont mises en place à partir de la consultation chirurgicale, jusqu’au retour à domicile, pour encadrer, en pré, per et post opératoire le geste chirurgical.

La RAC concerne toutes les spécialités, tous les gestes chirurgicaux et toutes les voies d’abord (mini invasives ou non). Une collaboration étroite avec l’équipe de médecins anesthésistes est la clé du succès de ces programmes.

Mais le binôme anesthésiste / chirurgien ne suffit pas. L’implication d’une équipe autour du patient est nécessaire, incluant des infirmiers de coordination ainsi que les équipes soignantes paramédicales qui le prendront en charge tout au long de son parcours.

L’expérience des équipes chirurgicales de l’IPC concernant ces programmes fait de notre Institut, un leader national dans le domaine de la RAC.

10 ans d’expérience en 2025 !

Les programmes de PREHABILITATION sont mis en place pour compléter les programmes RAC. Ils permettent d’évaluer les patients à risque (porteurs de comorbidité, âgés, fragiles, isolés) sur 3 éléments fondamentaux : le statut nutritionnel, la capacité physique fonctionnelle et leur état psychologique. Ces 3 éléments sont d’une importance majeure en chirurgie, car s’ils sont altérés, le patient est plus à risque de complications et de décès péri opératoire. Le programme de PREHABILITATION a donc pour objectif de corriger les éventuelles carences du patient pour améliorer son état nutritionnel et fonctionnel afin de limiter la morbidité des traitements, médicaux ou chirurgicaux.

Toutes les équipes chirurgicales de l’IPC sont engagées dans le développement de ce programme qui nécessite une coordination complexe avec une équipe médicale élargie (oncologues, gériatres), une équipe para médicale (psychologue, diététicien, coach sportif, kinésithérapeute) et les structures de ville (SSR, EPAHD). En effet, si l’enjeu est de corriger les carences du patient, il est indispensable de respecter les délais de prise en charge thérapeutique et l’enchaînement des traitements. De nombreuses études démontrent aujourd’hui les bénéfices en termes de survie pour les patients qui bénéficient de ces parcours.

Le leadership de l’IPC s’illustre aujourd’hui en assurant la promotion de l’essai multicentrique TRAINING qui évalue l’apport d’un programme de préhabilitation dans la prise en charge des patientes prise en charge pour un stade avancé de cancer de l’ovaire.

Avec plus de 5000 patients par an pris en charge en chirurgie, l’IPC fait partie des 3 plus importants CLCC français, avec l’Institut Gustave Roussy et l’Institut Curie.

2000 patientes sont prises en charge tous les ans pour un cancer du sein. L’innovation technique les concerne également. L’avènement du ganglion sentinelle et l’élargissement de ses indications a permis la diminution des curages axillaires pourvoyeurs d’une morbidité lymphatique tant redoutée par les patientes.

La diffusion des techniques d’oncoplastie a permis de réduire le taux de chirurgie radicale (mastectomie totale), mais 30% de patientes relèvent encore d’une ablation du sein. Pour ces dernières, la reconstruction mammaire immédiate peut aujourd’hui être proposée à la majorité d’entre elles, grâce aux développements des techniques et des matériaux utilisés, avec un impact significatif en termes de qualité de vie.

2025 marquera un tournant dans la prise en charge de ces patientes avec le développement de techniques chirurgicales mini invasives.

Ces dernières années, l’IPC a développé la dérivation urinaire intracorporelle pendant les gestes de cystectomie utilisant la chirurgie mini-invasive robot-assistée. Cette innovation permet de réaliser une intervention complexe, incluant l’excision de la vessie, le curage ganglionnaire et la reconstruction des voies urinaires, sans ouverture majeure.

La dérivation intracorporelle présente plusieurs avantages : elle assure une meilleure préservation des structures anatomiques grâce à une dissection plus précise et moins invasive, réduisant ainsi les complications postopératoires.

Cette technique favorise également une récupération plus rapide du patient, avec une diminution des pertes sanguines et du risque de complications liées à une ouverture abdominale élargie. Enfin, cette approche minimise la douleur postopératoire et accélère la reprise de la mobilité, contribuant à une hospitalisation plus courte, tout en garantissant les mêmes critères de qualité et de sécurité que la chirurgie ouverte.

L’IPC s’est investi très précocement dans les approches mini-invasives en chirurgie digestive, en particulier colorectale, et a participé à la validation des approches mini-invasives pour le cancer du rectum en particulier, programme d’évaluation médico-économique (STIC) de l’approche coelio des cancers du rectum (STIC-ELERC 2004), essai contrôlé évaluant la proctectomie trans-anale endoscopique (PHRC 2014 Greccar11/ETAP).

L’implémentation massive en 2016 d’un programme RAAC sur les trois spécialités a permis d’optimiser les résultats des procédures mini-invasives, d’améliorer encore nos process (adoption de la coelioscopie basse pression, chirurgie micro-invasive) et d’intégrer l’approche robotisée qui optimise à la fois les conditions opératoires et les suites chirurgicales.

Aujourd’hui, au-delà des interventions en colorectal, la chirurgie oeso-gastrique, hépato biliaire et pancréatique bénéficie en routine des approches mini-invasives et robotique, comme des programmes RAAC qui les encadrent. Au-delà, la limitation de l’impact chirurgical pour le patient permet une meilleure intégration de parcours de soins oncologiques médico-chirurgicaux.

À l’IPC, la prise en charge des cancers gynécologiques a connu une évolution majeure au cours de ces dernières années, portée par les avancées technologiques et les résultats des grandes études internationales. La chirurgie mini-invasive s’est imposée comme la voie d’abord privilégiée pour la majorité des cancers de l’utérus, permettant des interventions moins lourdes et une récupération plus rapide. Dans une logique de désescalade thérapeutique, des stratégies personnalisées sont aujourd’hui proposées, en accord avec les recommandations des sociétés savantes européennes et à la lumière des résultats d’études majeures comme SHAPE, SENTICOL, LION ou LAAC.

Le développement de la technique du ganglion sentinelle pelvien permet d’éviter dans de nombreux cas les curages pelviens extensifs, limitant ainsi la lourde morbidité qui leur est associée. Pour les cancers de l’ovaire, l’IPC s’est imposé comme centre expert régional, notamment depuis l’introduction des seuils de prise en charge spécifiques. L’intégration de nouveaux modes de traitement intra-péritonéaux, tels que la chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP) suite aux essais CHIPOR et OVHIPEC et la chimiothérapie intrapéritonéale pressurisée en aérosol (PIPAC), toujours en cours d’évaluation, permet d’envisager de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les patientes atteintes de formes avancées.

Enfin, soucieuses de limiter les séquelles pelvipérinéales de nos traitements, les équipes de l’IPC développent des techniques de reconstruction périnéale ainsi que des traitements physiques innovants comme le laser CO₂ et la photomodulation, au service d’une qualité de vie optimale pour les patientes.

Innovations chirurgicales, médicales et recherche

Ces évolutions technologiques, techniques et organisationnelles font de notre chirurgie oncologique, une chirurgie holistique, avec des parcours de soins coordonnés, centrés sur le patient.

Ce parcours personnalisé est contemporains d’évolutions thérapeutiques majeures (anti angiogéniques, antiparp, immunothérapie,…) qui nécessitent pour être mise en œuvre, une collaboration la encore étroite avec les équipes d’oncologie médicale. En effet les traitements sont aujourd’hui adaptés aux profils moléculaires des tumeurs, établis grâce à l’analyse des prélèvements chirurgicaux.

Mais si certains traitements sont déjà validés et recommandés, d’autres sont en cours d’évaluations, à travers les 200 essais thérapeutiques ouverts à l’IPC impliquant les équipes de recherche de l’IPC et celles du CRCM (Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille).

La mission d’enseignement

En 2025, cette chirurgie holistique, fruit d’un travail collaboratif des équipes médicales et chirurgicales de l’IPC, peut être diffusée et enseignée.

Nous accueillons chaque année plusieurs dizaines de jeunes médecins français ou étrangers, des internes et assistants, qui seront les médecins et chirurgiens de demain, dans notre région, en France ou ailleurs.

L’avenir

Les parcours de soins chirurgicaux centrés sur les patients sont maintenant très bien définis à l’IPC. Mais la Chirurgie Holistique doit aussi anticiper la réhabilitation sociale et professionnelle (assistance sociale, coaching sportif et psychologique, …) ainsi que les séquelles et effets secondaires (kinésithérapeute, sexologue, algologues, …) de nos traitements. Ces préoccupations doivent maintenant être intégrées dès le début de la prise en charge à travers des évaluations et des prises en charge multidisciplinaires.